Cromwell
Primus inter Pares du Lion de Juda de septembre 1455 (2007) à septembre 1456 (2008) et de septembre 1457 (2009) à mars 1458 (2010) (information à vérifier).
Biographie
J’ai dû bien souvent, par mon métier de scribe, témoigner de hauts faits et de basses œuvres. Je suis Zarathoustra et je raconte la vie de brigands de vile engeance, comme de nobles destinées. Je ne sais de quelle nature est celle que je vais icy vous conter.
Cromwell dict Sanctus est né à Genève, un hiver de 1416. Il a partagé son enfance entre l’atmosphère calme de la bibliothèque de son père, prêtre de vocation, et les recoins sombres d’une église. Il vivait là dans une semi clandestinité, et prit tout jeune l’habitude de se dissimuler, de se grimer afin d’échapper aux regards inquisiteurs. Car c’était un bâtard qui devrait gagner durement son existence. En tant que rejeton d’un curé, la vie ne lui était pas dévolue. Sa mère Chiabrenna servait en la paroisse comme bonne. C’était une dévote qui passait le plus clair de son temps à l’église. Il faut dire que le curé, le père John Sinclair, d’origine écossaise, savait lui témoigner sa reconnaissance pour ses services, et lui montrer combien il était touché par sa dévotion. Le père John était un de ces clercs de ces temps là, qui s’intéressaient aux textes et qui savaient aussi goûter les plaisirs de la vie. Il était proche de ses ouailles et ses sermons éclairés étaient très écoutés. Aussi quand le ventre de Chiabrenna s’arrondit, le curé bénéficia d’une relative bienveillance. Certains fidèles ne purent croire à un tel péché de la part du saint homme, d’autres surent n’être point trop regardant. Pourtant la famille de Chiabrenna, son père surtout, ne tarissait pas de menaces et remontrances. Ils voulaient du prêtre qu’il prit en main l’enfant une fois né et qu’il indemnisât la bonne dont l’honneur était bafoué et la vertu désavouée. Le prêtre céda, bien qu’il n’ait forcé personne. C’était le genre d’homme qui assume tous ses actes. L’enfant naquit et fut appelé Cromwell en mémoire de l’arrière grand oncle du père John, personnage particulièrement vénéré dans la famille pour ses talents de buveur de Whiskey. La vie reprit son cours et le curé et sa bonne purent continuer à se fréquenter de plus en plus ouvertement. Le père John était avant tout un homme d’Eglise, mais aussi un savant. Il prodigua à Cromwell une éducation de lettré, lui apprenant à n’avoir jamais une interprétation univoque des textes. En homme moderne, il préférait la rhétorique à la scholastique. Il lui transmit une connaissance parfaite des dogmes aristotéliciens, qu’il sut maîtriser très jeune. Dans d’autres domaines, sa sœur Pomona compléta cette instruction. De peu son aînée, elle était tout aussi bâtarde que lui. Ils partageaient la même paternité mais étaient très différents. Elle délaissait la bibliothèque et préférait traîner les marchés, ou elle excellait dans l’art de voler, et de se dérober. En dehors de l’enseignement par les livres, le Père John se désintéressait de ses enfants. Ainsi Cromwell grandissait dans le silence, il se servait plus souvent de ses yeux que de sa bouche, qu’il n’ouvrait que pour manger. Sa courte enfance fut terminée un soir d’août où sa sœur lui apprit l’amour charnel dans la torpeur estivale et la fraîcheur de la sacristie. Mais avec le temps, l’existence précaire de Cromwell fut menacée. Son père changeait, ses prêches devenaient hermétiques et décousus, il passait de plus en plus de temps dans sa bibliothèque à étudier des textes obscurs. Sa soutane empestait l’alcool et le suif, elle était maculée d’auréoles qui trahissaient sa solitude. Il était entouré en permanence d’un halo de volutes (il fumait l’herbe à pipe qui, disait-il, avait des vertus médicinales) qui l’isolait du brouhaha de la vie qui se déroulait autour de lui. Les visites de Chiabrenna s’espaçaient et la propreté de l’église en pâtissait autant que la soutane du père. C’est dans ce décor que le nouvel évêque du diocèse genevois vint à l’improviste voir l’état de la paroisse du père John. Quand il vit le curé qui bredouillait quelques paroles de bienvenue, tout à fait ivre, il refusa même de lui parler. On lui avait rapporté que le clerc se livrait à l’étude de textes hérétiques, qu’il avait plusieurs bâtards et se dépravait. John Sinclair fut rapidement défroqué. Pomona était morte depuis peu, la Mallemort l’avait emportée à la suite d’une mauvaise épidémie qu’elle avait contractée en geôle. Pendant que son père fréquentait les bordels, Cromwell trouvait difficilement de quoi survivre ainsi que lui avait enseigné sa sœur. Il était devenu un jeune homme quand on retrouva John raide entre les bras d’une de ces mauvaises femmes à bon marché, celles dont personne ne veut. Sans doute avait-il abusé de l’ambroisie, une immonde piquette, nectar des bordels et hydromel des brocarts. Sans son père, Cromwell était seul, privé de sa chère sœur qui lui laissait une empreinte profonde dans l’âme, qui le rappelait souvent à cet après-midi d’été. Il n’avait plus d’attache à Genève, aussi décida-t-il de partir sur les routes. Il garderait de sa sœur une certaine malice et le goût pour les choses de l’amour, et de son père la pratique conjuguée de l’herbe à pipe et des textes sacrés. Sans se retourner, il quitta Genève qui l’avait vu grandir. S’il n’était pas un freluquet, Cromwell rencontrait souvent de plus costauds que lui. Bien que la vie lui ait enseigné à se battre, il apprit le savant usage de la parole qui permet de sortir de bien des situations critiques. Lui qui n’était pas bavard, il se forgea par le verbe une arme qui ne le quitterait jamais. Ainsi, il arriva sauf jusque dans les terres de Bourgogne, meurtries par des guerres incessantes. Multipliant les contacts, il parvint à intégrer un de ces groupes de mercenaires qui fleurissaient à mesure que le conflit s’enlisait. En plus de la discipline militaire, Cromwell apprenait comment on vit sur le pays quand on est soldat, en prélevant vivres et femmes au gré des campagnes. Même s’il ne s’enrichissait guère, il mangeait à l’envie et trouvait dans ses compagnons les amis et frères qui lui manquaient. La paix n’était pas proche d’arriver et Cromwell avait encore de beaux jours devant lui. Mais il lui manquait de connaître la défaite pour parfaire son éducation, et devenir tout à fait un homme. Et de fait, son armée fut vaincue lors du siège de Compiègne, et par des ennemis menés par une femme, ce qui donnait un surcroît à son humiliation. C’était Jeanne d’Orléans dicte la « Pucelle », une illuminée que le Roy avait envoyé pour quelque raison obscure. Blessé au combat, il s’était retrouvé parmi les morts, entassé, prêt à être brûlé. Il était parvenu à se dégager, non sans devoir livrer bataille aux corbeaux et autres chiens errants qui en voulaient à sa virilité. Quand Cromwell fut remis de ses blessures, sa vigueur juvénile et son enthousiasme au combat s’en trouvèrent tempérés. Il supportait de plus en plus mal la hiérarchie qui lui pesait. Il aspirait à retrouver sa liberté d’homme seul. Il déserta son corps d’armée et reprit son errance. Au hasard des discussions en taverne, une rumeur se confirmait : il semblait que des groupuscules se formaient, qui en remontraient à l’église aristotélicienne. Ces gens prétendaient que les clercs étaient tous des usurpateurs, et que la Parole Divine ne savait souffrir d’interprète : elle s’adressait directement au croyant par les Textes. Cromwell était familier de ces questions, et une curiosité naturelle mêlée au ressentiment qu’il entretenait contre la hiérarchie ecclésiastique le poussa à rejoindre Genève, où l’agitation semblait particulièrement importante. Il développa pendant ce voyage une grande connaissance des champignons, dont il se servirait beaucoup pour se nourrir sur les chemins. En arrivant à Genève, il fut frappé par l’émotion qui agitait la ville. Lassé de l’errance et de ses aléas, il décida de s’installer comme un honnête homme et de prendre une ferme pour regarder le blé pousser. Le rythme tranquille de la vie de paysan lui laissait du temps pour parfaire ses connaissances. Il nourrissait son esprit de textes anciens et nouveaux qui se multipliaient. Il n’aimait rien tant que de brûler l’herbe à pipe en étudiant, son chat Platon sur ses genoux. Il fréquentait les milieux savants et religieux, où il brillait par ses connaissances et son sens de la rhétorique. Ses relations le menèrent à voyager souvent, et comme l’abeille il faisait son miel des connaissances qu’il récoltait, tout en répandant son savoir au gré de ses pérégrinations. Alors qu’il avait prévu de se rendre en Lombardie, il rencontra sur son chemin un ermite dont il devait se souvenir toute sa vie. Le vieil homme pratiquait les anciennes traditions des Anachorètes et vivait isolé, dans les montagnes. Il n’avait pas de livre mais pouvait réciter n’importe quel passage des Textes et le commenter brillamment. Il disait que toutes les terres de l’œkoumène étaient corrompues par le clergé aristotélicien. Il disait qu’on ne pouvait vivre dans la vraie foi que sur les hautes cimes, où l’air n’était plus vicié par les usurpateurs. Il disait que l’Eglise romaine était envoyée par le Très Haut pour mettre à l’épreuve la capacité des hommes à faire triompher la vraie foi. Il disait que comme le torrent tombe des cimes, la vraie foi s’abattrait sur les plaines et les villes. Il disait aussi que comme la foudre surgit de la nuée qui s’amasse et se fait lourde, le Lion de Juda surviendrait pour briser le joug que font peser sur les hommes les clercs et les puissants. Cromwell ne se rendit jamais en Lombardie.
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